Le second rêve de Descartes 4 novembre
Après s’être réveillé, et avoir prié pour se protéger de toute mauvaise influence, Descartes se rendort, et fait un second rêve, dont Adrien Baillet, dans La vie de Monsieur Descartes de 1691, nous fait le récit.
Le rêve :
» Dans cette situation, il se rendormit après un intervalle de près de deux heures dans des pensées diverses sur les biens et les maux de ce monde. Il lui vint aussitôt un nouveau songe dans lequel il crut entendre un bruit aigu et éclatant qu’il prit pour un coup de tonnerre. La frayeur qu’il en eut le réveilla sur l’heure même et, ayant ouvert les yeux, il aperçut beaucoup d’étincelles de feu répandues par la chambre. La chose lui était déjà souvent arrivée en d’autres temps et il ne lui était pas fort extraordinaire en se réveillant au milieu de la nuit d’avoir les yeux assez étincelants pour lui faire entrevoir les objets les plus proches de lui. Mais en cette dernière occasion, il voulut recourir à des raisons prises de la philosophie et il en tira des conclusions favorables pour son esprit, après avoir observé en ouvrant puis en fermant les yeux alternativement la qualité des espèces qui lui étaient représentées. Ainsi sa frayeur se dissipa et il se rendormit dans un assez grand calme. »
Interprétation de Descartes :
« L’épouvante dont il fut frappé dans le second songe marquait, à son sens, sa syndérèse, c’est-à-dire les remords de sa conscience touchant les péchés qu’il pouvait avoir commis pendant le cours de sa vie jusqu’alors. La foudre dont il entendit l’éclat était le signal de l’esprit de vérité qui descendait sur lui pour le posséder. »
Notre interprétation :
N’étant plus à cette époque de Descartes où les rêves pouvaient être perçus comme des avertissements d’un Ciel qui menaçait de châtiments ceux qui désobéissaient à ses injonctions, nous ne pouvons pas suivre Descartes dans l’interprétation très marquée de cette peur propre aux temps passés dans la relation à la religion.
Les étincelles sont des parcelles de lumières, et il ne peut s’agir de la perception de véritables étincelles comme on peut en voir parfois quand le bois éclate sous l’effet de la chaleur, dans ce « poêle » où dort Descartes, qui est une chambre sans cheminée et chauffée par un chargement extérieur.
Il s’agit bien là, avec le bruit de tonnerre du début du rêve, d’une symbolique du feu et de la foudre.
Or ce coup de tonnerre évoque une révélation importante ou une prise de conscience aux effets bouleversants, et les étincelles, une régénération spirituelle.
Plus étonnante est la suite du récit où il est question de voir dans cette expérience quelque chose qui a déjà été vécu dans le passé. Descartes a-t-il eu cette vision d’étincelles à d’autres moments de sa vie ?
La fin du récit porte sans doute sur la dilatation des pupilles dans la nuit, ce qui rend Descartes capable de voir les objets de la chambre qu’il ne voyait plus en éteignant sa chandelle. Il éprouve alors, à voir le décor familier de sa chambre suffisamment de réconfort pour se rendormir.
Liliblue