Les rêves prémonitoires d’Yvonne Beauvais 1 novembre
Les rêves prémonitoires d’Yvonne Beauvais
L’Église catholique possède peu de matériau prouvant l’existence d’aptitudes prophétiques de ses saints. Sans doute parce que la prédiction a été éjectée des religions abrahamiques très tôt, en même temps que s’installait une monolâtrie mâle à la faveur du seul Yahvé-dieu. Lorsque la religion juive de l’Antiquité précoce était dédiée au couple divin, à Ashéra, la déesse, et à Yahvé, son compagnon, la prédiction faisait intrinsèquement partie des pratiques sacerdotales, les devins et devineresses étant attachés au culte d’Ashéra. L’inquisition chrétienne a renforcé un mépris et une haine ancienne liant les dons divinatoires à la sorcellerie et celle-ci aux expressions d’un mal démoniaque.
Cependant, par un coup de chance, les nombreux rêves prémonitoires d’Yvonne de Beauvais furent écrits des années avant leur réalisation dans des lettres lues et annotées par le directeur de conscience de celle-ci, le Père Crété, un jésuite, qui finit par les donner à ranger dans les archives d’une mère supérieure. Ces lettres furent oubliées, avant d’être réclamées, relues et comprises comme des archives de rêves réellement prémonitoires des années plus tard :
« Quel trésor ! affirme-t-il alors et en 1943. J’en garde jalousement la propriété. Je les avais confiées à Mère Assistante il y a plus de 10 ans, pour l’avenir, sans songer à leur utilité présente. En 1922-1923, on ne comprenait rien à ces prédictions, et je n’y songeais plus du tout, non plus que Mère Yvonne-Aimée (…). »
Petite biographie :
Yvonne Beauvais est née en juillet 1901 à Cossé-en-Champagne. Elle a perdu son père très tôt, et sa mère étant institutrice, elle est élevée par sa grand-mère. Enflammée par la lecture de Thérèse de Lisieux, elle décida, enfant, d’être une grande sainte. En 1922, elle commence à voir Jésus avec lequel elle entre en dialogue. Elle devient religieuse à 24 ans, pris le nom d’Yvonne aimée de Jésus, connue aussi sous le nom d’Yvonne de Malestroit (du nom où se trouvait son couvent), et dix après seulement elle devient la mère supérieure de son couvent d’augustines.
Or, avant même d’entrer au couvent, Yvonne commençait à faire preuve de certaines manifestations parapsychiques (les plus connues sont les extases, la vision de Jésus et de la Vierge Marie, xénoglossie, stigmates, bilocation) dont il fallait à tout prix distinguer si elles étaient bien d’origine divine (et non démoniaque).
Le père Crété demanda donc à la toute jeune aspirante à la sainteté qui avait 22 ans, de lui écrire tout ce qu’elle vivait sans rien lui cacher, y compris les rêves qu’elle faisait.
Ces rêves déconcertaient la jeune Yvonne qui aurait bien aimé, dit-elle dans ses lettres, échapper à toutes ces manifestations paranormales qui l’accablaient « je voudrais être comme tout le monde » écrivait-elle ainsi en octobre 1922). Mais obéissant strictement à son directeur de conscience, elle raconta en détail tout ce qu’elle vivait et rêvait, se plaignant aussi de ne rien comprendre aux songes qu’elle faisait.
Voici par exemple quelques passages du rêve d’Yvonne qu’elle raconte dans sa lettre du 18 août 1922 :
« (…) je me voyais assister au sacre d’un évêque dans une église que je ne connais pas, et Jésus disait : “Cet évêque sera bon pour toi, et toi, tu le soutiendras par tes prières et sacrifices, surtout quand il sera dans le pays de Ste Thérèse de l’Enfant Jésus.”
(..) Je me vis aussi en prison et un Ange venant me délivrer. (…) »
Cet évêque se trouva être Mgr Picaud dont le sacre eut lieu à la basilique Sainte-Anne d’Auray le 1er juillet 1925, trois ans donc après ce rêve. Or cet homme fut aussi l’un des principaux soutiens d’Yvonne, notamment dans ses épreuves. Il devint l’évêque de Lisieux de 1931 à 1954.
Et en 1943, Yvonne s’est bien trouvée emprisonnée par la Gestapo et elle ne dût sa délivrance qu’à une intervention du Ciel bien mystérieuse, un homme qu’elle appela son ange gardien, et qui disparut ensuite, la tirant d’affaire au moment où elle allait être embarquée pour l’Allemagne.
Voici quelques passages de la lettre du 28 octobre 1922 :
« Cette nuit, je voyais des démons répandus sur toute la Terre. Je voyais, comme un globe lumineux, le monde tourner. (…) Je vis des hommes habillés avec un drôle de costume, je voyais surtout qu’ils avaient un grand ruban : certains bleus, certains rouges et noirs, avec de très grosses médailles, mais ces décorations étaient maniées par des démons, tournant autour de ces hommes.
Je voyais de ces hommes et ces démons dans toute la Terre, faisant le mal. Ils maniaient beaucoup de sacs d’or et je voyais des pièces d’or comme du feu. Je ne puis vous dire l’impression de tristesse profonde qui traversait mon âme pendant ce temps. Ensuite je voyais ces démons s’acharner sur l’Europe, puis des multitudes d’hommes se battre, se tuer, se déchirer, des foules immenses se sauvant devant des incendies, le feu descendant du ciel et courant sur la Terre.
Jésus quelque fois venait me rassurer et me dire : “souffre, prie, c’est en expiation. (…) Sur cette mappemonde, il y avait un gros chiffre : 17. Sur la France, j’ai vu un chiffre : 39. (…)
J’avais l’impression que ce tableau durait quatre à cinq années, puis d’un temps que je n’ai pu évaluer, après quoi, j’ai vu une France lumineuse, éclairant et pacifiant le monde. (…)
Mon père, quelle litanie d’absurdités, je vous raconte là.”
Bien sûr tout le monde aura reconnu là une incroyable prédiction de l’avenir. Le nazisme, la Seconde Guerre mondiale, l’entrée en guerre 17 ans plus tard, en 1939, la durée de cette guerre, les médailles nazies, les drapeaux rouges et noirs, la violence qui se déchaîne, l’uniforme allemand, les tueries… Puis la renaissance de la France, son rôle dans la construction de l’Europe et la réconciliation franco-allemande.
Voici quelques extraits de la lettre du 6 juillet 1923 :
“Il me semblait que Jésus était près de moi. (…) Il me disait : (…) Tu seras accusée de mensonge par ceux qui auront cru en toi. Un de ceux-là, un religieux, plus orgueilleux et cruel que les autres, poussé aussi par le démon, te fera passer pour une fausse mystique, une créature du péché. (…) Accepte cette épreuve dès maintenant. Le temps de la calamité pendant lequel cette épreuve t’arrivera aidera puissamment à sauver le monde. Tiens-toi bien uni à Moi et prie pour que, fidèle à la grâce, celui qui te brisera redevienne un ami.”
En janvier 1943, un prêtre, qui l’avait beaucoup soutenu au départ, se retourne contre elle. Il l’accuse d’être une “fausse mystique” et prépare un procès pour qu’elle quitte le couvent.
Ce rêve est pour nous l’un des plus intéressant, car il montre que même pour Jésus, le futur bien que déjà dessiné, puisqu’Yvonne en a la vision, est créé aussi par l’activité présente et peut donc être changé. Ainsi, il affirme que si Yvonne prie beaucoup, dès le moment présent du rêve, c’est-à-dire dès 1922, et bien avant la trahison de ce prêtre, ce dernier pourra redevenir un ami.
D’autres rêves suivent, certains bien connus. Ainsi, dans une lettre du 29 septembre 1923, Yvonne raconte comment elle vit “des avions jeter de gros cylindres sur les trains, sur les gares et détruire et incendier tout”. A cette époque, l’ampleur future du bombardement aérien n’était pas prévisible. Et le plus connu de tous, celui qu’Yvonne narre dans sa lettre du 25 mars 1929 : “J’ai eu cette nuit un songe curieux. Cette fois, je me demande si je ne suis pas à moitié folle : je me suis vue devant la Clinique avec beaucoup de religieuses autour de moi. Cela semblait être un jour de fête, il faisait beau. J’avais sur la poitrine, épinglées, 4 ou 5 médailles, dont la Légion d’honneur. J’étais au milieu des religieuses et semblais être leur Mère. Un grand officier vint vers moi me saluer.” Le 7 août 1949, toutes les religieuses sont rassemblées devant la Clinique, Yvonne Aimée portait déjà 5 décorations, dont la Légion d’honneur remise par le Général de Gaulle lui-même. Yvonne-Aimée, ce jour-là reçoit du Général Audibert, un des résistants rescapés grâce à l’action d’Yvonne-Aimée, la croix de guerre pour la Clinique.
Pour ceux qui continuent à douter des aptitudes prédictives de l’être humain, le cas Yvonne Beauvais est un cas incontestable qui devrait les faire sortir de leur doute. Pour plus de précisions, je vous invite à lire Prédictions de sœur Yvonne-Aimée de Malestroit de R. Laurentin qui est le biographe reconnu de cette grande sainte française.