Atout II-La Papesse 12 mars
La Papesse
Atout II
Sacralité femelle : la prêtresse, la moniale, la sorcière
Le voilé, le secret, le caché
Méditer, prier
Germiner, préparer, concevoir
Se replier sur soi, s’isoler, se couper du monde
Fusionner, couver, materner, étouffer l’autre
Mère abusive, Mère araignée
Grand-mère
La Vierge au voile
La Dame de tous les peuples
Avec La Papesse, nous quittons la question de l’Individualité, pour entrer dans celle de l’altérité que signalent les deux I de son nombre. Tant que la triangulation n’existe pas, et donc tant qu’on ne parvient pas à L’Impératrice et à la Verticale des III, le Tarot signale l’écueil de la relation humaine : négation d’autrui, négation de soi, opposition ou fusion tendent à exclure, hors de soi, ou à inclure, en soi, l’altérité.
Avec La Papesse, les deux expressions sont en jeu : elle désigne la mère fusionnelle qui inclut l’autre en soi, tout comme la personne qui se cache aux yeux de l’autre vécus comme intrusifs.
La Papesse est la Mère du II, celle qui porte en elle ou dans ses bras et sa vie, un autre que soi. Et cette première Mère, cette femme enceinte, cette mère des premiers mois de la vie, ne peut porter cet autre que parce qu’elle le fait sien absolument, niant en partie l’altérité qui la sépare de lui. Winnicott a parlé de cet état chez la Mère des premiers soins, expliquant que si la personne individualisée qu’est la mère, n’amenuise pas l’épaisseur de ses murailles moïques, pour laisser filtrer, presque télépathiquement, les besoins de l’enfant, ce dernier ne peut pas être bien pris en charge. La fusion psychique est une nécessité à ce moment de la vie des deux êtres. Mais cet état de « préoccupation maternelle primaire » doit cesser dans le temps, sous peine que la bonne mère devienne une mère-araignée qui conserve, dans sa toile, des enfants prisonniers de sa trop grande sollicitude, de son excès d’amour fusionnel.
Et c’est ces enfants pris dans la toile de la Mère fusionnelle qu’est aussi La Papesse, que représente le Tarot : Le Chariot, ce golden boy qui réussit excellemment dans la vie sociale et publique, est porté par une mère secrète ou une arrière-mère qui assouvit ses propres besoins de reconnaissance sociale à travers lui. Gavé d’attentions maternelles, il ne s’engage pas, sérieusement, dans une relation d’amour, et ne construit pas sa vie familiale propre. Il est l’un des fils éternel de la mère. Léonardo dicaprio est ainsi un excellent exemple du Chariot. Le Pendu représente, quant-à lui, le fils handicapé, le fils en souffrance, le fils éternel du fait de ses limitations physiques. A travers Le Pendu, La Papesse satisfait un excessif besoin de se dévouer à son enfant tout en le maintenant sous son emprise. Et L’Etoile représente, quant-à elle,l’éternelle jeune fille, celle qui n’est pas destinée à être elle-même une mère, celle qui ne peut avoir de destin qu’en étant la deuxième femme, la maîtresse, parce qu’il n’y a qu’une mère possible dans son histoire, sa propre mère (et si elle se marie quand même, L’Etoile reste stérile). Arielle Dombasle représente bien cette femme éternellement virginale qu’est L’Étoile. A travers cette dernière, La Papesse, vieille femme maternelle, satisfait ses besoins féminin de jeunesse éternelle et de séduction à l’égard des hommes, tout en conservant la place unique qui est la sienne: celle de la Mère, unique et éternelle.
Papesse nous parle, aussi, de toutes les personnes qui tissent le lien entre les autres membres de la société (et entre les générations surtout) par les livres. Elles transmettent un savoir écrit ou bien conservent ce dernier. Les bibliothécaires, les enseignantes, les écrivaines sont particulièrement bien incarnées par elle. La Papesse, en effet, ne désigne pas les personnes qui agissent directement dans le monde (elle est totalement tournée vers la gauche, orientation de la passivité et de la réceptivité, et elle est assise), mais celles qui le transforment par un savoir ancien dont elles se font les transmetteurs. Ce sont toujours des personnes calmes, méticuleuses, précises, à l’esprit analytique. Beaucoup d’étude et travail en retrait.
La Papesse nous parle enfin de grande solitude, d’isolement, d’enfermement, mais aussi de l’obligation de porter un masque pour survivre ou être soi-même en secret. Elle incarne le gynécée, cet espace dédié aux femmes dans la maison, et le fait que, dans certaines cultures, elles n’ont pas accès à l’espace sociétal et publique. Elle représente aussi la femme musulmane qui emporte dans l’espace public, et autour de son corps, cette séparation d’un corps féminin objet d’un désir masculin insupportable à l’époux qui se croit le destinataire exclusif de la beauté féminine de son épouse, le voile représentant alors l’enfermement nomade des femmes, expression résiduelle d’un pouvoir patriarcal archaïque et oppressif. Mais ce Niveau est aussi celui du silence et de la méditation, de l’oraison monacale.
La Papesse nous parle encore de prison, de cloitre, de monastère, mais aussi du temps de la retraite, pour la femme âgée. Elle représente le grand âge de la femme, et donc la grand-mère du Tarot.
l’élément le plus important dans l’iconographie de la Papesse, c’est le voile qui cache son corps, ainsi que son trône. C’est le personnage le plus couvert du Tarot. En tant qu’Atout II, La Papesse a pour Carte complémentaire, Le Soleil qui incarne la Lumière, le dévoilement, la nudité de la vérité des êtres humains. C’est pourquoi, avec la fusion maternelle, le secret est l’une des deux significations majeures de l’Atout.
Sur un plan ésotérique, La Papesse représente de ce fait l’Adepte ou le Disciple de l’hermétisme et de l’alchimie qui avancent masqués dans une société qui ne peut les comprendre. Le secret entoure nécessairement le mystère de leurs activités. La Papesse, dans le milieu chrétien de l’émergence du Tarot, représente enfin l’expression féminine du sacerdoce, et les Tarots anglo-saxons, sous l’influence de Court de Gébelin, ont renommé La Papesse, Grande Prêtresse. Cette fonction féminine du sacerdoce a été entravée dans nos sociétés patriarcales qui identifient le Divin à un principe exclusivement masculin, et elle n’a pu exister que dans le secret des rêves et celui des sociétés initiatiques. L’Adepte, qui créa le Tarot, a replace au centre de tout cheminement spirituel, ce médium féminin dont l’activité est absolument nécessaire à la spiritualisation du monde, le but ultime de tout son travail.
Marie est aussi la Mère fusionnelle parfaite, celle dont l’apparition dans les rêves éveillés, et selon G. Romey, auteur du Dictionnaire de la Symbolique, répare les déficiences la relation historique à la mère du rêveur. Sans époux véritable et sans autre enfant, elle est tout entière consacrée au Fils. Si ce symbole qu’est Marie pour tous les rêveurs, quelle que soit leur appartenance confessionnelle, possède une telle capacité de réhabilitation de la mère terrestre, c’est que Marie, comme La Papesse, règne sur les trois mondes de l’homme : inconscient, conscient et surconscient (ou encore la nature, la société des hommes, le Ciel), comme le montre la mitre à trois niveaux de la Papesse.
La Papesse est encore l’avatar christianisé d’Isis, le Principe divin féminin qui exista d’abord comme Ishtar, la Déesse mésopotamienne, puis Athéna, Diane et bien d’autres Déesses l’ont incarnée et elle réapparaît, dans le monde chrétien, sous la forme des Vierges Noires. Cette incarnation du Pouvoir féminin sacré a pour premier symbole, non La Lune comme l’a cru à tord le Tarot Rider, mais l’étoile à Huit branches qui se trouve, précisément, tout en haut de la Verticale des II qu’inaugure La Papesse, dans l’Atout XVII, porteur, lui aussi de la dualité de cette Verticale.
A terme, La Papesse spirituelle est vouée à la Jeunesse, à la Beauté et à la Nudité de l’Etoile, une nudité qui n’a rien d’impudique, parce que, quand le monde tout entier sera spiritualisé, l’humanité tout entière aura conquis un regard de pudeur respectueux sur l’autre qui n’aura nul besoin des voiles pour masquer son corps. Le voile alors, pas plus que le vêtement, ne sera nécessaire, chacun pouvant être pleinement lui-même, pleinement réalisé dans son être, sans craindre la vindicte sociale.
En relation avec le Niveau I du Tarot, La Papesse représente donc la mère enceinte, la mère fusionnelle, la mère des premiers mois de la vie, mais aussi la grand-mère.
En relation avec le Niveau II du Tarot, La Papesse oriente vers les métiers liés à l’accouchement (sage-femme), du livre (libraire, bibliothécaire, écrivaine), de transmission du savoir (enseignante), mais aussi les métiers du secret (service de renseignement, espionne), de l’occulte (sorcière, voyante, médium), et encore la femme voilée, la musulmane.
Il est indicateur d’un projet en phase de conception et de maturation.
En relation avec le Niveau III du Tarot, La Papesse parle de secret qui ronge, d’un étouffement liée à la famille, d’une fusion malsaine, d’une mère-araignée, d’une femme manipulatrice et perverse qui gère une toile et surveille ses proies, de sorcellerie, de magie noire, d’occultisme. Elle indique un masque, des personnes masquées, en apparence aimante, fusionnelles, et en réalité destructrice.
Avec ce Niveau III, La Papesse parle de prison pour femmes, de période de maladie, d’hospitalisation.
La lecture en Niveau III de La Papesse invite à cultiver l’étude, le silence, le secret, la méditation, l’oraison. Le véritable pouvoir de La Papesse réside dans la discrétion, dans l’initiation, dans l’appel secret au divin.
En lien avec le Niveau IV du Tarot, La Papesse représente tout d’abord les grandes prêtresses de l’Antiquité, les religieuses, le féminin sacré. Cet Atout II évoque aussi la Déesse-mère des Premiers Temps : Ishtar, Isis, Diane, Ashéra entrée dans l’ombre avec le monothéisme patriarcal, et dès lors la Déesse perdue par l’humanité, agissant dans l’ombre, prête désormais à se dévoiler.
C’est aussi l’Atout de l’initié caché sous un manteau social, la femme de savoir qui en sait bien plus long qu’elle ne le dit, l’Adepte qui travaille en secret au grand Œuvre.
C’est enfin Marie la mère de douleur et de consolation, la grande protectrice de l’humanité, la Dame de tous les peuples, et ses représentantes sur terre : toutes les moniales, mais aussi toutes les mères de la terre.