Atout XII-Le Pendu 17 mai
Le Pendu
Atout XII
Impuissance, subir une oppression totale, être pieds et poings liés
Prière, lâcher-prise, sacrifice
Renversement des perspectives, enracinement dans le ciel
Le Pendu est l’Atout le mieux compris des taromanciens, car son iconographie très particulière appelle une interprétation précise que corrobore, bien évidemment, sa place au sein de la Structure du Tarot en 4 x 5.
Situé dans la deuxième Verticale des Atouts du Tarot, Le Pendu représente la confrontation à l’altérité vécue au 4e Niveau, celui des Épreuves et des Vertus. Après avoir vécu l’altérité en soi, avec La Papesse, loin de soi et exotique avec Le Chariot, l’altérité apparaît, avec Le Pendu, comme ce qui fait totalement obstacle aux affirmations possibles du soi-même.
Tout chemin à droite comme à gauche est barré par les deux colonnes que dessinent les troncs d’arbres inversés. On ne peut donc ni avancer vers un changement salutaire, ni reculer sur une position ancienne plus confortable. Les mains qui représentent l’emprise sur le réel, la capacité d’action sont, chez Le Pendu, attachées derrière son dos. Son pied droit est, quant à lui, visiblement lié (le pied indique le mouvement, la direction qu’on va prendre). Il met en scène un adage populaire et parle de qui est « pieds et poings liés » c’est-à-dire de qui se trouve confronté à une radicale impuissance. Tout est figé, rien ne peut bouger. Il faut donc cultiver la plus grande patience, non celle qui était déjà en jeu avec L’Hermite qui parvient à ses fins à force de temps et d’effort, mais de qui ne peut prévoir quand va finir son épreuve, et qui de plus ne peut strictement rien faire pour changer les choses. Les branches des deux arbres sont coupées au vif, indiquant donc qu’aucun espoir de renouvellement n’est en vue. Cet Atout est même un avertissement : toute tentative pour changer les choses non seulement n’aura pas l’effet escompté, mais pourrait bien conduire à une aggravation des choses. Le Pendu invite donc à renoncer à agir, et à entrer dans une période de méditation plutôt que d’action.
Tout Atout du IIIe Niveau comporte deux significations : elle indique une des grandes épreuves de la vie, mais elle invite aussi à faire de cette épreuve un chemin spirituel qui transforme alors l’individu, créant à partir de l’épreuve une grande vertu. Bien évidemment, la patience est en jeu avec Le Pendu, mais la grande vertu qu’il cultive est ailleurs. Elle se trouve dans son visage, parfaitement serein, et dans les couleurs qu’il porte, ainsi que dans les deux arbres inversés.
Contrairement à ce qu’on peut lire à droite et à gauche, Le Pendu n’est certainement pas une référence à Odin pendu à l’Yggdrasil pour avoir plus de pouvoir, ni un Yogi tenant la posture inversée, car ces références culturelles sont étrangères à ce début de la Renaissance qui a vu naître le Tarot, même s’il n’est pas interdit de nourrir sa réflexion sur le Pendu à partir de là.
Ce que Le Pendu indique toujours, c’est l’inversion du point de vue qui accompagne celui qui est entrée sur la voie spirituelle ouverte par La Roue de Fortune et entreprise avec La Force. C’est ce que dessine l’iconographie du Pendu : il a les pieds enracinés dans le Ciel tout comme les arbres qui l’accompagnent, et c’est à partir du Ciel qu’il observe le monde qui l’entoure. Ses vêtements portent donc exactement la couleur qui convient : le bleu du Ciel et de son pantalon est en haut, le multicolore fait du rouge, du vert et du jaune, couleurs de la vie terrestre est en bas.
La spiritualité est, en effet, un renversement du point de vue : ainsi, quand l’élan naturel vise l’égoïsme et l’affirmation vitale de soi-même en priorité, l’élan spirituel est fait d’altruisme où l’autre a une place aussi grande ou plus grande que soi. Ainsi, quand la puissance naturelle s’exprime par la force et fait plier les faibles pour les mettre au service du fort, du point de vue spirituel, le fort est au service du faible. Jésus de Nazareth, Seigneur spirituel, lavant les pieds de ses disciples et demandant à tout être charismatique d’adopter cette humilité qui traduit le fait qu’on a compris quel était le sens véritable de son don et de sa puissance. C’est ce qu’indique aussi le quatre formé par les jambes du Pendu, référence à L’Empereur dont il est l’inversion spirituelle et la réalisation véritable : le véritable pouvoir n’est pas terrestre, mais il s’accomplit dans sa destinée spirituelle qui met le fort au service du faible. l’Inversion spirituelle prend aussi d’autres formes, ainsi, Jésus de Nazareth, homme, devient mère d’une humanité fraternelle en lui donnant son corps à ingérer, tout comme la mère biologique nourrit son enfant de son lait. Ainsi, le féminin matériel (le Denier, la Terre), inférieur au masculin matériel (le Bâton, le Feu), se convertit en Féminin sacré (la Coupe, la rosée spirituelle) supérieur au masculin sacré (l’Épée, l’air). Ainsi, l’enfant devient l’enseignant du parent, ainsi, le fou devient plus sage que le sage, etc.
Le Pendu qui accomplit son destin spirituel a compris qu’il ne pouvait pas agir dans le monde matériel mais qu’une Verticalité infinie lui est offerte où, au contraire, il ne rencontre plus aucun obstacle : celle de relier la Terre de ses pieds au Ciel et le Ciel de sa tête à la Terre.
Cependant, le fait que L’Hermite soit la Carte complémentaire du Pendu rappelle que cette inversion des valeurs et du point de vue sur le monde doit rester mesuré et prudent. Il ne s’agit pas d’apparaître comme un fou ou un marginal incapable de se lier aux autres et de s’intégrer dans la communauté, mais comme un modèle de sagesse, de lâcher-prise, de recueillement et d’oraison. A terme, Le Pendu est destiné à l’enseignement de son expérience.
Quand le Pendu intervient en taromancie, il indique toujours qu’un changement de regard est nécessaire, qu’il faut se relier au Ciel, et surtout arrêter de courir en tous sens pour changer une situation où, par les moyens de la terre (intelligence, ruse, argent, manipulation, travail), rien n’est possible.
Le Pendu invite à un lâcher prise qui sera cependant mis à dure épreuve par la plus douloureuse des expériences, celle du deuil, que va rencontrer le cheminement du Tarot avec l’Atout XIII.
En lien avec le premier Niveau du Tarot, Le Pendu parle du fils malade proche de la mère, de l’enfant handicapé, hospitalisé, enfermé, emprisonné.
En lien avec le second Niveau du Tarot, Le Pendu renvoie aux acrobates, professeurs de yoga, maîtres de méditation, aux services hospitaliers en lien avec le grand handicap, les gardiens de prison.
En lien avec le troisième Niveau du Tarot, le Pendu parle de punition judiciaire, d’emprisonnement, de blocages en tout genre, mais aussi du handicap, du chômage, du bouc émissaire, d’une situation bloquée, de harcèlement, de victimisation, mais aussi d’éveil spirituel, de méditation, de transformation du point de vue sur le monde.
Cette carte en opposition invite à transformer le point de vue sur le monde, d’enraciner sa vision dans la spiritualité, et d’ouvrir son cœur à la prière, car rien de ce qu’on fera ne pourra changer les choses. Seule la prière sincère pourra être efficace. Cet Atout du renoncement, de l’acceptation et du lâcher-prise procède d’une spiritualisation de la relation à l’autre qui conduit à arrêter en soi la réactivité pour qu’émerge, dans le secret encore, l’activité compassionnelle qui est le destin ultime de cette Verticale des II auxquelles appartient Le Pendu et qui se manifestera clairement avec L’Étoile, son supérieur.
En lien avec le quatrième Niveau du Tarot, l’Atout XII évoque le mysticisme, la méditation, le sacrifice spirituel, et surtout Jésus-Christ qui assume la souffrance du monde, ainsi que sa culpabilité, afin de les transmuter.
C’est alors la notion de Sacrifice spirituel qui est en jeu. Le Roi de ce monde, Jésus-Christ est le grand Sacrifié, Celui qui a accepté de prendre sur lui la souffrance et le péché du monde pour les transmuter, pour alléger le monde qui n’aurait pas pu continuer à exister sinon. Beaucoup de mystiques catholiques ont aidé Jésus à porter de poids, dans l’acceptation, dans une spiritualité de la réparation et victimale. Ainsi, Marguerite-Marie Alacoque, Yvonne Beauvais (Mère Yvonne-Aimée de Jésus) ou Marthe Robin furent amenées à prendre en charge, toujours en pleine conscience, une part du fardeau christique et le poids des péchés humains, incarnant de manière exceptionnelle Le Pendu du Tarot.
Yvonne de Beauvais insistait ainsi dans son témoignage sur l’abandon total entre les mains de Jésus. Tel est le sacrifice de ceux qui se donnent entièrement à la voie spirituelle, sous la forme de la mystique chrétienne. Apprendre cette confiance, cet abandon, cette foi total en l’amour de Jésus et du divin c’est la voie du Pendu.