De la cartomancie en plein dans le mile 13 août
Bien que Mâ soit une clairvoyante qui avait un don spectaculaire , elle n’était pas très fiable sur l’avenir. Elle était exaltante parce qu’elle voyait des scènes qui s’imposaient à elle, mais ces scènes étaient autant du passé et du présent, que de l’avenir. Et ses prédictions basées sur les images qu’elle percevait, ne répondaient que rarement à mes préoccupations et aux questions qui avaient motivé la consultation.
J’ai fait, à Nouméa, l’expérience d’une autre voyante, bien plus modeste, et qu’on m’avait recommandée , mais qui sur le coup ne m’avait pas impressionnée dans le bon sens. J’ai vraiment cru avoir fait une consultation inutile et sans intérêt.
Il faut dire qu’après Mâ, cette cartomancienne d’origine asiatique et qui se contentait de tirer les cartes de manière sèche et sans détails, me sembla bien fade. Elle voyait peu de choses et celles-ci étaient en outre, très pénibles à entendre. Elle m’annonça en effet après que je lui ai demandé si j’allais rencontrer un homme avec qui je pourrais construire ma vie, que « je ne ferai la rencontre du « Père de mes enfants » que dans une dizaine d’années, peu avant quarante ans et que j’aurais du mal à avoir des enfants, que j’en aurai sans doute un ou deux, mais qu’il me faudrait prier pour cela ». Elle ajouta que « cet homme serait « taureau » de signe astrologique ».
J’avais un peu moins de trente ans à l’époque, j’étais plutôt jolie et bien décidée à avoir une famille et des enfants. Cela m’a semblé fort peu crédible comme prédiction. J’ai alors pensé que cette femme était méchante, et se servait de la cartomancie pour faire du mal aux autres, et je suis partie assez dégoutée, et pensant avoir perdu mon temps et mon argent.
Inutile de dire que cette deuxième expérience m’a détournée de la tentation de faire d’autres rencontres de voyants, et durant le temps que j’étais à Nouméa, j’ai arrêté de consulter, me contentant de cette approche assez décevante de la voyance, entre une clairvoyante qui était épatante pour le présent mais incapable de donner des prédictions importantes pour l’avenir et une cartomancienne méchante et sans aucun don.
Je me suis alors persuadée que l’avenir n’était finalement pas vraiment visible, bien que j’étais aussi intriguée par le pouvoir de clairvoyance qu’avait Mâ pour voir le passé que je connaissais, et un présent, quand je ne le connaissais pas, ainsi que quelques petits détails de l’avenir.
Des années après, je compris que cette petite cartomancienne était loin d’être une mauvaise personne et une mauvaise professionnelle des arts divinatoires. C’était en réalité une excellente prévisionniste, quelqu’un d’honnête et même de délicat dans la restitution de ce qu’elle avait vu.
Je dus en effet attendre dix ans pour rencontrer Philippe, qui devint le père de ma fille, et qui était taureau de signe astrologique. Et ce n’était pas « l’homme de ma vie » mais bien « le père de mon enfant », je compris donc, quelques années encore plus tard, le sens de cette formulation qui m’avait intriguée. Heureusement qu’alors, cette voyante-cartomancienne ne s’était pas expliquée.
C’était déjà bien assez décourageant pour moi d’apprendre que je devrais attendre dix ans pour avoir un enfant, s’il m’avait fallu en plus découvrir que cet homme serait loin de me rendre heureuse…
Cela me fit beaucoup souffrir d’attendre si longtemps cette construction familiale, car j’aimais les enfants et je n’imaginais pas vivre ma vie sans eux. Et j’avoue que cette voyance ne m’a pas aidée, car je ne lui avais pas accordé assez de crédit pour jouer le rôle très positif que peut jouer une prédiction quand elle promet quelque chose auquel on tient et en le datant !
Ce que j’ai vécu à Nouméa dans la relation à la voyance me semble caractéristique de ce que la voyance fait vivre à ceux qui veulent en apprendre quelque chose.
Les meilleures voyances que j’ai pu faire bien après étaient souvent pénibles à entendre, et peu capables d’entraîner mon adhésion de consultante, non seulement parce que décevant mes espoirs, mais surtout parce que donnant peu ou aucun de ces détails sur le passé et le présent, qui incitent à avoir foi dans les prédictions, ce que délivrent au contraire avec brio ces voyances éclatantes, remarquables dans leur description du passé et du présent, mais qui se révèlent finalement décevantes sur l’avenir.
Moralité de cette expérience : il faut des années de recul pour pouvoir juger de la valeur d’un voyant.
C’est pourquoi les retours, qu’on trouve souvent sur les plateformes de voyance, mais aussi dans des forums indépendants de consultants, sont souvent inutiles et dangereux. Ils peuvent détruire la réputation d’un professionnel des arts divinatoires qui a un vrai talent et encenser des télépathes ou des médiums excellents sur le passé et le présent, mais sans capacité prédictive.
Bien peu de foreur ou foreuse reviennent des années après pour confirmer ou infirmer les prédictions des voyants dont ils parlent. Or seul le temps peut fonder l’évaluation d’un don de voyance.
Ce qui ressort alors de ces forums de retour, c’est un grand mépris pour la voyance, et une grande colère contre les voyants. Pourtant la voyance, sous ses différentes formes, existe, et il y a des professionnels des arts divinatoires qui sont sérieux et même remarquablement armés pour aider les personnes qui viennent les consulter.
Et c’est pourquoi je propose ce blog, pour partager mon expérience de la voyance autrement que sur les forums, d’une manière que j’espère plus détendue et plus respectueuse pour tous.
Autre moralité : la voyance – qui existe, j’en ai eu maintes fois la preuve - n’est pas forcément utilisable. Car, pour prendre l’exemple que je vous présente, quel bien cela m’a fait de savoir (sans y croire) que je ne rencontrerai le père de mon enfant que dans une dizaine d’années après la consultation ? L’instrumentalisation et la commercialisation actuelles de la voyance est une erreur. Elle a probablement pour vocation de nous ouvrir à une dimension mystérieuse de la vie.
Liliblue