Arts divinatoires et déontologie 5 octobre
Le terme de « déontologie » renvoie à la notion d’éthique dans son lien à l’exercice de son métier. Puisque les arts divinatoires sont devenus une profession, ils devraient obéir, comme tout métier, à une déontologie. Bien évidemment, comme pour beaucoup de métiers, celle-ci reste largement implicite.
Il n’existe en effet qu’une douzaine de codes de déontologie, couvrant essentiellement les métiers de la santé, de la police et de la sécurité, de la justice, et ceux de la recherche en psychologie humaine. Cela signifie qu’il y a beaucoup de métiers où la déontologie reste implicite.
Le métier de voyant, de taromancien ou d’astrologue est aux frontières de plusieurs domaines : commerce, information et soutien psychologique…
Le code de déontologie des arts divinatoires que certains ont voulu éditer, comprend souvent une énonciation qui m’a toujours parue fort peu acceptable, et qui vise, selon moi, à défalquer les professionnels des arts divinatoires de toute responsabilité : ils n’auraient que des « obligations de moyens et non de résultats ».
Si le professionnel ne se donne aucune obligation de résultats, c’est, à mon sens, contraire à l’éthique qui se trouve au cœur de la déontologie professionnelle implicite de ce type de métier.
Revenons en effet à la notion d’éthique telle qu’on peut la comprendre au sein, déjà, d’une relation commerciale.
Le philosophe Kant est le premier à avoir clairement défini la relation éthique comme expression du « respect d’autrui ». Respecter autrui, c’est ne jamais l’instrumentaliser, c’est ne jamais oublier qu’il est une personne avec sa dignité, ses propres besoins, ses propres fins, et c’est donc agir en tenant compte de tout ce qui est dû à l’autre, et non exclusivement en fonction de ses propres intérêts.
Ainsi, dans toute relation commerciale à l’autre régie par l’éthique, le vendeur d’une prestation ne doit jamais considérer son client comme le simple moyen de gagner de l’argent mais doit lui rendre un service en proportion de l’argent reçu.
En ce qui concerne les voyants, leur conscience professionnelle devrait les conduire à ne jamais en faire, par exemple, le seul moyen d’avoir de bons retours sur sa page de présentation au sein d’une plateforme.
Le voyant se doit de servir honnêtement les fins du client qui consistent dans le fait pour lui d’être éclairé sur son avenir, d’être aidé à passer un cap difficile, ou dans la connaissance des données lui permettant un libre choix, etc.
Je ne vois pas, personnellement, comment, en ne se donnant « aucune obligation de résultats », le voyant peut traiter le consultant avec respect.
Cela implique entre autres chose qu’un voyant qui n’a pas eu de nombreuses expériences de retours positifs avant de se faire payer, ne devrait pas exercer un tel métier.
Cela signifie aussi qu’en cas de retour négatif, le voyant devrait s’obliger à une vérification, à une nouvelle consultation, à une sorte de service après-vente, dans des limites raisonnables, bien sûr.
À cette obligation de résultats moyens (au moins 50% des prédictions doivent se réaliser en moyenne), il faut ajouter bien d’autres choses, dont certaines sont évidentes : l’honnêteté d’un travail personnel fondé sur un art véritable, lui-même fondé sur un don véritable ou l’apprentissage sérieux d’une technique, la véracité d’une parole qui n’aura aucune complaisance, la bienveillance d’une personnalité qui ne se servira jamais de son don pour asseoir un pouvoir sur son consultant, et bien d’autres choses encore, parfois bien mises en évidence sur différents sites.
Parmi les questions que fait naître la réflexion sur la déontologie du métier de professionnel des arts divinatoires, il y en a une que je voudrais mettre en avant : le voyant ou astrologue ou taromancien peut-il annoncer un avenir contraire aux attentes du consultant, mais aussi parfois bien pire, un avenir très sombre, une aggravation des difficultés, et la mort ou la maladie de personnes proches ?
L’éthique professionnelle fait obligation à ce professionnel de dire la vérité, mais tout autant de la dire sans la rendre intolérable, insupportable, et accroitre un malaise qui a déjà conduit le consultant à prendre conseil auprès de lui.
Un consultant déjà désespéré par le vécu d’un ensemble de difficultés, qui excèdent ses capacités à les encaisser, ne doit jamais se trouver, devant la prédiction d’un avenir encore plus sombre.
C’est pourtant ce que j’ai vécu: alors que je subissais un harcèlement dans le travail qui durait, j’ai eu affaire à une voyante qui ne m’a pas du tout aidée en me disant mon avenir proche. Cette terrible personne m’a ainsi annoncé que tout serait encore bien pire dans les mois à venir au sein du travail, et que j’allais apprendre que des collègues autour de moi auraient un cancer, et que je serai, enfin, confrontée à un deuil familial, d’une personne très proche, masculine. Ce genre de propos, envoyés par audio, en dehors de tout contexte de dialogue et de rassurance, est selon moi un scandale.
Quand on vient consulter un voyant, ce n’est pas en effet pour savoir l’avenir de manière brutale, mais pour savoir suffisamment de choses du futur, pour mieux gérer le présent ou pour mieux le supporter.
Ainsi, le voyant n’a pas seulement le devoir d’avoir un don, de dire la vérité, mais de la dire d’une manière qui soit véritablement aidante.
Quelle aide reçoit en effet quelqu’un à qui on annonce brusquement la mort d’un proche ? Et pire encore, sans dire de quel proche il s’agit, ce qui rend le consultant à moitié fou d’angoisses inutiles.
Une voyante qui voit la mort d’un proche de son consultant devrait se taire. Elle peut aussi l’inciter à se rapprocher de lui, sans lui dévoiler la raison de cette incitation, permettant ainsi au consultant de profiter au mieux du présent, au lieu de l’empoisonner par une souffrance prématurée.
Cet exemple montre à quel point le métier de voyant, pour être exercé au mieux de ses possibilités, implique une déontologie stricte et une intelligence fine de la psychologie humaine. Avoir de la délicatesse n’est pas donné à tout le monde, mais c’est une exigence si on veut exercer ce métier dans le respect de ses consultants.
Lilibue
ps :
Pour plus d’information, voici un lien pour lire le code de déontologie proposé par l’Inad à partir duquel, entre autres, nous vous proposons notre réflexion.
http://inad.info/documents/charte-de-deontologie