Le 10 d’Épée 15 janvier
Le 10 d’Épée
Achèvement tragique
Complot, ruine
Nuit et sable
Mater Dolorosa, Notre Dame des Douleurs
Deuil, acceptation du destin
Cette carte, comme la précédente, le 9 d’Épée est tragique dans sa tonalité. Et ce tragique se traduit dans la brisure de la lame droite. On le sait, la droite représente la partie mâle de la personne humaine, celle qui est tournée vers l’action, la réalisation, l’avenir. C’est donc une Carte qui, par sa représentation marque l’achèvement tragique d’un projet, d’un amour, d’une forme de réalisation de soi qui furent, dans le passé (l’épée de gauche), tendrement chéris tout comme l’occasion d’une forme de réalisation de soi.
L’ensemble des Nombres 10 ont pour maîtres -Atouts le X et le XXI, deux Cartes qui présentent un Juge qui marque la fin d’un cycle : la sphinge dans l’Atout X représente le Juge de la partie animale de l’être humain, de sa capacité à maîtriser le pulsionnel, l’instinctif, la matière, le corps, le mécanique. L’ange dans l’Atout XX représente le Juge de la partie céleste de l’être humain, de sa capacité à maîtriser l’esprit, l’intelligence, l’âme, le créatif. Or ces juges émettent des jugements positifs ou négatifs qui vont se répartir, dans les Nombres dix du Tarot, en deux parties distinctes selon le genre. Le jugement qui accompagne les derniers Nombres est en effet marqué par la tonalité propre à chaque Couleur, ainsi que par le genre de cette Couleur.
Très clairement, plus clairement que dans tous les autres Nombres bien qu’un même phénomène soit en jeu, les 10 de Denier et de Coupe sont proches, quand les 10 de Bâton et d’Épée marquent un achèvement d’un tout autre ordre. Pour les Nombres féminins (Denier et Coupe), l’Achèvement est une grâce et une plénitude qui se traduisent dans le monde matériel et familial (le 10 de Denier), ou dans le monde affectif et familial (le 10 de Coupe) ; tandis que l’Achèvement est pesanteur infinie pour le 10 de Bâton et meurtre symbolique en ce qui concerne le 10 d’Épée.
C’est cet Achèvement tragique qu’a choisi de représenter Pamela Colman Smith dans le Rider. On voit un ciel noir charbon obscurcir plus de la moitié de la Carte, et un homme qui a reçu dans le dos dix coups d’Épée et en est mort. Les dix Épées plantées tout au long de la colonne vertébrale : aucun chakra n’est épargné. Tous ses centres vitaux et au-delà sont atteints. Il est étendu sur un sol de sable, tourné vers la terre, le visage caché. Or le sable est précisément le terrain de l’infertilité. Rien ne pousse dans le désert de sable, et toute construction humaine est destinée à finir en grains de sable qui se dissolvent dans cette mer de minuscules petites pierres. Comme le rappelle G. Romey dans le Dictionnaire de la symbolique, « le sable est une image grave. Il est à la fois une image première et la dernière image. Celle qui précède tout ce qui sera et qui demeure quand tout a disparu. Elle est l’origine et le dernier des horizons. Devant le sable, il n’est pas de création de la nature, pas de réalisation humaine, pas même de pensée, qui ne se dissolve dans le dérisoire ». Rêver de sable, c’est se confronter au caractère éphémère de toute chose, c’est accepter d’être dans une expiration au regard du souffle créateur qui traverse nos vies. C’est adhérer à l’achèvement d’un projet, d’un amour, d’un lien, d’une réalisation qui s’est écroulée.
Beaucoup d’interprètes du Rider mettent l’accent sur le caractère « exagéré » de cette Carte. Un coup d’épée suffit à tuer, pourquoi en mettre dix ? Du coup, ils interprètent ce dix d’Épée d’un point de vue psychologique : la personne surjoue ses malheurs, tend à construire une image de victime pour en avoir les bénéfices secondaires. Cette interprétation est possible, la fêlure de l’Épée représentant alors une manière peu équilibrée de vivre sa relation aux événements de la vie et aux autres. Mais il ne faut pas nier la possibilité d’une interprétation littérale du Rider. Les complots existent, tout comme la décision surgissante de mettre une fin définitive, en soi, à une espérance (une relation, une dimension importante de sa réalité, un projet, etc.) qui avait trop longtemps duré et qui a miné les constructions de sa vie.
Cependant, cette Carte n’est pas que négative. Le visage de cet homme, qu’on ne voit pas, est tourné vers la mer, et cette mer est calme. Au loin, on voit des montagnes bleues, et une aube nouvelle qui se lève, dorant le ciel, d’une lumière solaire, dissipant peu à peu le noir épais de la nuit. Dites-vous que, quand le dix d’Épée tombe, le pire est derrière vous et vous le savez. Ce qui vous accable encore n’est pas mince. C’est une suite de douleurs et de meurtres symboliques que vous avez dû vivre, et que vous devez encore revivre. Mais, sur la Carte, on voit cet homme mort étendu sur le sol qui est tourné dans le creux de la Terre-Mer (e). Il est calme, tout comme l’eau plate vers lequel il a tourné son visage et qui représente l’absence d’émotions vives. Il a accepté d’entrer dans un deuil au regard de ses espérances. Il s’apprête à renaître tout autre, revivifié, revitalisé par une relation au monde bien plus simple et vraie. Cet épisode tragique met fin à vos souffrances. Celles-ci sont déjà en train de muer en une forme de sérénité nécessaire à la reconstruction qui va suivre.
En lien avec le premier Niveau du Tarot, le dix d’Épée renvoie au divorce, à la ruine, au deuil, à la perte d’un proche, d’un être cher, à une amputation. Le pire est arrivé dans le domaine du corps, des biens matériels, de la famille. Le pire est derrière soi. Il faut maintenant aller au-delà, accepter de vivre le renouveau de la vie sans cet espoir, sans cette partie de soi, sans s’appuyer sur ce qui appartient désormais au passé.
En lien avec le second Niveau du Tarot, ce Nombre parle clairement d’un échec relationnel et professionnel. Sans aller jusqu’à la ruine financière, il indique la rupture dans un contrat, le divorce dans une relation professionnelle, sociétale, politique, commerciale. La multiplicité des épées tend à illustrer un complot, un harcèlement où est en jeu plus d’une personne.
Il enjoint à un certain repli sur l’essentiel afin de faire renaître sa vie sociétale autrement.
En lien avec le troisième Niveau du Tarot, cette Carte peut être lue dans les deux acceptions les plus contradictoires, propre à ce niveau. D’un côté, les aspects les plus sombres du 10 d’Épée sont en jeu : deuil, mort d’un proche, nécessité de renoncer à un projet ou à une expression forte de soi, fin d’une espérance et d’une réalisation, ruine, désespérance, complot contre soi, etc. Et de l’autre, en creusé, les retrouvailles avec la part absolument éternelle de son être. Écoutons encore une fois la poésie de G. Romey dans sa description du symbole qu’est le sable : « un sable est sans mémoire, sans projet. Il est. Il est dans un présent qui contient un passé effacé, un devenir non prévu. Il est éternité. » Le dix d’Épée nous enlève quelque chose d’important, peut-être même ce qu’on croyait l’essentiel dans sa vie, mais il nous place, par là même, avec le véritable essentiel, sa propre réalité de sujet d’existence, sa vérité d’être conscient, enraciné à la fois dans la Terre et dans le Ciel.
En lien avec le quatrième Niveau du Tarot, ce Nombre du dix d’Épée est lié à la Mater Dolorosa qui existe dans toutes cultures, cette Déesse des pleurs, du chagrin terrible, cette Mère divine et Dame de la peine insurmontable.
Dans la religion catholique, elle a pris la forme de la Vierge aux sept douleurs. Cette Dame de toutes les Dames a vécu, en tant que Mère, toutes les peines du monde, depuis la prophétie de Syméon (« une épée te transpercera l’âme ») jusqu’à la mise au tombeau de son enfant. Sept épées féroces, symbole des sept événements les plus douloureux de la présence de Marie au sein des Evangiles, lui ont transpercé chacun des centres vitaux de son être. Sept douleurs ont éteint en elle toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. De ce fait, Marie, élevée en Mère divine, est devenue la Mère-sable-eau qui, dans le Rider, est promesse de repos, de sérénité, et de renaissance, et d’un rivage encore lointain, mais nimbé de lumière et d’espérance.
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